Amicus (Grande-Bretagne) : un coup monté contre la démocratie syndicale

Appel à la solidarité.

Amicus est l'une des plus grandes organisations syndicales de Grande-Bretagne. Résultat d'une fusion de plusieurs syndicats, dont ceux des mécaniciens (AEEU), du secteur bancaire (UNIFY) et du livre (GPMU), il recouvre 23 secteurs industriels et compte plus d'1,2 millions adhérents sur les 6 millions que regroupe la Confédération Syndicale nationale (TUC). En 2002, le pilier du « Blairisme » Sir Kenneth Jackson - anobli par la Reine Elisabeth II ! - a été remplacé à la tête de cette immense structure par le candidat de l'aile gauche, Derek Simpson. L'année suivante, la gauche du syndicat a emporté la majorité lors de l'élection du Comité Exécutif du syndicat. La campagne victorieuse de la gauche s'articulait autour de la revue Amicus Unity Gazette, dont le président était Jimmy Warne, et le rédacteur-en-chef Des Heemskerk.

Simpson était élu sur la base d'un programme revendicatif nettement plus combatif que celui de Jackson. La nécessité de démocratiser le syndicat était aussi un axe central de sa campagne.  Du temps de Jackson, les permanents et responsables du syndicat étaient nommés - et non élus -, un  pouvoir arbitraire dont il usait et abusait sans vergogne. Par exemple, la syndicaliste Cathy Willis, qui s'occupait du contrôle des dépenses du syndicat au niveau national, avait été licenciée sur ordre de Jackson lorsqu'il avait découvert qu'elle était la femme d'un délégué syndical du bâtiment connu pour ses critiques sur la façon dont le syndicat était dirigé. Ce fut donc un grand pas en avant pour Amicus et pour la démocratie syndicale lorsque, dans la foulée de la défaite de Jackson, une conférence du syndicat chargée de la révision de son règlement intérieur a instauré l'élection obligatoire de tous les responsables syndicaux.

Cependant, aujourd'hui, Derek Simpson considère que ses anciens engagements, dont notamment l'élection des responsables syndicaux, sont devenus « encombrants », surtout dans la perspective d'une possible fusion avec le Syndicat des Transports (TGWU). Au mépris des décisions de la conférence d'Amicus, un secrétaire général adjoint et deux assistants du secrétaire général ont été nommés, et les animateurs de la Gazette restés fidèles aux engagements pris, Jimmy Warne et Des Heemskerk, de même que Cathy Willis, qui avait retrouvé son poste après le départ de Jackson, ont été démis de leurs fonctions sur la base d'accusations inventées de toute pièce. Il s'agit d'un véritable coup monté pour préparer le terrain à un retour au méthodes à l'oeuvre sous Kenneth Jackson.

L'arrière-plan du licenciement des trois syndicalistes est digne d'un scénario de film. Le secrétaire adjoint nommé par Simpson s'appelle Les Baylis. Sous le « régime » de Sir Kenneth Jackson, il était responsable des dons effectués par le syndicat aux projets caritatifs et humanitaires. A ce titre, il a effectué un don de 240 000 livres (350 000 euros) à Express Linkup, une organisation de soutien auprès d'enfants hospitalisés. Or, le directeur de cet organisme a envoyé une lettre au syndicat, dans laquelle il dénonçait le fait qu'un associé de Baylis, un dénommé Steve Sampson, aujourd'hui incarcéré pour fraude, avait exigé une commission de 10% sur le montant de ce don. Et il avait effectivement touché la somme de 8000 livres (12 000 euros). La lettre stipulait également que Les Baylis lui-même avait demandé à ce même directeur de ne pas inscrire la commission dans la comptes d'Express Linkup.

A la suite d'un vote contre toute remise en cause du principe de l'élection des responsables, lors d'une réunion des animateurs de la Gazette, Derek Simpson à ordonné la fouille du bureau de Des Heemskerk, ainsi qu'une analyse du contenu de son ordinateur. Cette opération, effectuée secrètement pendant les heures de fermeture des bureaux, le 1er août 2005, a été réalisée par une officine d' « enquêteurs » privés. Simpson voulait imputer à Des Heemskerk la fuite à la presse concernant son protégé, Baylis. Mais les « enquêteurs » n'ont absolument rien trouvé. Cela n'a pas empêché Simpson, lors d'une réunion de l'Exécutif, en septembre, d'attaquer violemment Des Heemskerk, ainsi que Jimmy Warne et Cathy Willis. Jimmy Warne n'a toujours pas été informé du motif de son licenciement. Quant à Cathy Willis, elle est vaguement accusée d'avoir voulu « affaiblir » le secrétaire général. Suspendus dans un premier temps, tous les trois ont été licenciés au mois de mars 2006.

La question de la démocratie syndicale est au cœur de ce conflit. Mais il s'agit aussi de défendre les principes d'un syndicalisme combatif. En effet, les renoncements de Derek Simpson ne concernent pas que l'élection des responsables. En 2004, les travailleurs de la construction, à Wembley, ont organisé une grève pour protester contre la remise en cause des salaires. Les employeurs avaient dénoncé la convention collective en vigueur et « invité » les travailleurs à signer un nouvel accord - nettement moins avantageux - sous peine de licenciements. Alors que le dirigeant d'un autre grand syndicat, le GMB, est personnellement venu sur place pour soutenir les grévistes, Simpson a condamné la grève. Pire encore : il a envoyé deux responsables d'Amicus, sur le site, pour accompagner un contingent de « jaunes » embrigadés pour travailler à la place des grévistes !

Jimmy Warne, Des Heemskerk et Cathy Willis méritent notre soutien. Ils étaient en première ligne de ceux qui se sont battus pour la démocratisation d'Amicus. Ils étaient largement responsables, avec les autres représentants de la Gazette, de la victoire de Derek Simpson en 2002. Depuis, ils ont fermement résisté à toute tentative de revenir aux vieilles pratiques arbitraires. C'est là leur seule « faute » - qui n'en est pas une du point de vue des intérêts des 1,2 millions de membres du syndicat.

La campagne pour leur réintégration est en cours. Des messages de solidarité affluent. Les travailleurs du site de construction, à Wembley, ont organisé sur le chantier une collecte qui a récolté 2300 livres. D'autres collectes ont eu lieu chez Rolls Royce Aérospace, dans l'aciérie de Corby ou encore à l'usine Nissan, à Washington, dans le nord-est de l'Angleterre.

Nous demandons à tous nos lecteurs, en France et ailleurs, d'exprimer leur solidarité avec ces camarades et leur combat. La solidarité internationale doit appuyer la lutte contre le « Blairisme » et les méthodes bureaucratiques au sein du mouvement ouvrier britannique. Le secrétaire de la Campaign for Democracy in Amicus est Roy Cole, PO Box 50525, London E14 6WG. Vous pouvez aussi contacter les camarades par téléphone au 00 (44) 7814 432215, ou par e-mail via le site web de la campagne www.campaign-democracy-amicus.org, ou directement à secretary@campaign-democracy-amicus.org. Faites passer cette information à vos amis et camarades. Merci de votre solidarité !