Contribution

La revue Le Marxisme aujourd’hui entend apporter sa contribution à la discussion qui s’ouvre par ce coup de semonce que constitue le vote du 29 mai en France. Nous avons voulu replacer l’évènement dans le contexte général de la situation internationale et examiner à chaud les problèmes soulevés. Par Pierre Broué.

La revue Le Marxisme aujourd’hui entend apporter sa contribution à la discussion qui s’ouvre par ce coup de semonce que constitue le vote du 29 mai en France. Nous avons voulu replacer l’évènement dans le contexte général de la situation internationale et examiner à chaud les problèmes soulevés.


I. Les perspectives du socialisme en ce début du XXI° siècle

La petite bourgeoisie, notamment dans la presse, exerce son ironie aux dépens des partisans du socialisme. Scepticisme, arrivisme, conservatisme ? C’est parfois le résultat d’années de déception, ou le signe d’un découragement. C’est d’autant plus bête que les média, bien orientés par les oligarques, s’emploient activement à discréditer le mouvement des masses, sapant leurs arguments. Ils censurent avec zèle toutes les indications qui montrent où va le monde.

Dans l’ancien empire stalinien

Bien sûr, on ne nous a pas trompés totalement avec les tulipes, les oranges et autres fruits et fleurs des ONG étatsuniennes dans l’ex URSS. Il reste dans les consciences que, partout, sous ces couleurs, ce sont les droits de l’homme, la misère et l’exploitation des travailleurs qui sont en jeu, remplissent les rues et les places de leurs partisans encolérés et de leurs clameurs pour la liberté.

Que des gens de la CIA soient derrière eux et tirent les ficelles, nous n’en doutons pas, mais nous savons que le moteur qui met en marche les foules de l’orient ex-soviétique, c’est la misère noire avec l’oppression policière, jointe à des aspirations politiques et sociales puissantes qui expliquent que marchent dans les rues et crient sur les places, des vagues humaines qui sont un vrai tsunami d’hommes et de femmes.

Tout a commencé par les pays de l’ex-URSS avec les gens âgés, retraités volés, dépouillés de leurs menus privilèges et les jeunes –notamment les étudiants et les ouvriers qui vont être les dirigeants du nouveau monde qu’ils créent et célèbrent par leur action. Dans certains pays, comme récemment en Ouzbékistan, la violence et la répression expliquent presque à elles seules, la violence des masses et les alignements de cadavres.

Dans la vieille Europe

Il n’y a pas dans la vieille Europe un Karimov capable de recourir sans hésiter à la violence assassine. Malgré le « à gauche, toute » lancé par Müntefering, le chef du DSPD, l’appareil social-démocrate en Allemagne vient d’essuyer une terrible défaite dans son bastion électoral de Rhénanie-Westphalie. Celui qui fut longtemps le leader de sa gauche, Oskar Lafontaine, vient de rompre avec le SPD et prépare ouvertement avec deux groupes, un nouveau parti vraiment à gauche.

En Espagne, une nuit de manifestations contre les mensonges gouvernementaux, avait balayé en quelques heures le disciple et héritier de Franco, José Maria Aznar et son Parti populaire. Malgré les cris de victoire des droites de partout, c’est, à côté d’un nombre élevé d’abstentionnistes, une poignée d’électeurs seulement qui ont voté « oui » au référendum européen. Ce n’est pas une victoire !

D’autres défaites électorales, des millions d’électeurs s’abstenant, ont balayé l’Europe. Des millions d’électeurs ont déserté la cause de Tony Blair alors qu’un travailliste exclu, adversaire de Bush sur la guerre d’Irak, a balayé un blairiste. En Italie aussi, le vote a vu la perte de millions d’électeurs et signifié la fin prochaine de Berlusconi.

L’Europe aussi est sous le signe des luttes pour les Droits de l’homme, contre la répression, les tortures. En Afrique, la lutte continue pour empêcher le pillage économique qui sévit à grande échelle dans les anciennes colonies européennes.

Amérique et Caraïbes

C’est le morceau le plus important pour cette période. Un professeur canadien aux E.U., James D. Cockroft vient de consacrer un remarquable rapport à cette question lors d’un colloque à l’université de Guerrero, sous le titre « L’œuvre de Karl Marx au XXI° siècle ”. Nous lui devons beaucoup dans cette partie d’analyse.

Et d’abord, un peu d’histoire contemporaine. Ce rapport part de l’échec de la tournée de Condoleezza Rice que Chávez appelle « la Dame impériale », au mois d’avril, pour trouver en Amérique latine le soutien nécessaire « pour mettre un terme à la révolution à Cuba et au Venezuela. » Cette tournée qui visait à mobiliser les Etats latino-américains dans une querelle entre eux et la Maison Blanche a été un échec total sous des formes diverses.

La nette prise de position du Brésil pour le « respect de la souveraineté cubaine », l’invitation faite par le président chilien à Bush de tempérer sa réthorique au sujet du Venezuela, la renonciation du président Fox à éliminer de la course à la Présidence le maire de Mexico, Andrés, Manuel López Obrador, sont autant de défaites sur le tapis vert, côuteuses en prestige.

Et puis, toujours dans ces quelques jours, il y a le trouble provoqué par l’affaire du terroriste Luis Posada Carriles que les E.U. se refusent à extrader, ce qu’exigent tous les sud-américains.

En quelques jours, les rues et les places sont noires de monde, en majorité travailleurs et jeunes. L’un après l’autre, des présidents vendus à Washington montent sur le toit de leur palais pour prendre la fuite en hélicoptère. Il y a à Mexico, pour la défense du maire, une « marche du silence » avec plus d’un million d’habitants de la capitale dans les rues. Quelques jours après, c’est l’occupation de La Paz par les manifestants ouvriers d’El Alto et les paysans de l’altiplano accompagnés de dizaines de milliers d’autres. Va-t-on voir naître la république bolivienne des ouvriers et des paysans avec des comités de voisins comme soviets ? On n’en est pas loin, et le président Mesa pense, lui aussi, à un départ précipité en hélicoptère.

Et ce n’est pas tout, au Brésil, malgré l’inévitable déception devant la politique de Lula, le peuple est pour le socialisme et joue un rôle important dans la défense des Droits de l’homme. Le MST continue à mobiliser les paysans sans terre et nombre d’entre-eux vont être installés d’ici la fin du mandat de Lula.

James D. Cockroft pense que l’Etat de Bush a d’ores et déjà déclaré la guerre à toute l’amérique et d’abord aux Caraïbes. Les peuples aujourd’hui sont engagés dans la voie de l’indépendance, ici « la seconde », à savoir l’indépendance économique.

Après celles de Cuba, les réformes du Venezuela secouent les peuples latino-américains et le bolivarisme avec la saisie des terres non cultivées et des usines abandonnées par leurs propriétaires. Ils veulent s’y engager par la voie démocratique et pour cela, ils ont constitué une puissante centrale syndicale.

Sur le plan économique, le lancement de l’a.L.B.A. , impulsé par le Venezuela, est la première étape vers l’intégration et l’unification des pays de l’amérique Latine. On voit se tisser des liens autour du pétrole (Petrosur), des communications (Televisora del Sur) et on assiste à la constitution d’un cartel de débiteurs pour riposter aux sangsues de la BM . A tous ces éléments bien connus, s’ajoutent en marge des accords économiques cubano-vénézueliens, la lutte des idées contre le capitalisme sous toutes ses formes, la critique impitoyable du stalinisme et de ce que l’empire nomme « la démocratie ”.

« Ou le capitalisme nous écrase, ou nous traçons un autre chemin réclamé par le monde : le socialisme ! » Ce que dit Chávez ici est la vérité.

II. Quelles priorités politiques au lendemain de cette victoire ?

Comment les définir ?

C’est dans ce contexte que s’est déroulée une campagne référendaire très riche sur la constitution européenne, riche de discussions, d’arguments, de souffles d’espoir et de colère. Et dans la soirée d’hier soir, le verdict est tombé : net, brutal, sans appel.

Aussi ce matin 30 mai, l’éditorial du quotidien suisse Le Temps commence ainsi : « Les Français ont donc repris la Bastille. »

La volonté ironique est évidente, mais n’est ce pas pour mieux cacher un profond dépit et exprimer à mots couverts, un fond de vérité objective : le désarroi général ? Autrement dit, se pose la seule question qui importe : « Va-t-on pouvoir reprendre l’initiative face à cette levée en masse et par quels moyens ? »

Le résultat du vote référendaire a en effet la dimension d’un séisme politique. D’abord par cette levée en masse même, elle a submergé et emporté dans son élan tous les obstacles dressés pour qu’elle ne puisse pas se produire, ensuite par son caractère massif de classe, presque tracé au cordeau, et enfin, par le champ de ruines laissé par la force de cette protestation. Nous ne pouvons nous tromper sur ces trois points tant les efforts déployés dès hier avant 20 heures pour en nier la réalité sont grotesques. L’avalanche, le torrent ont dévalé. Tentons de percevoir ce qui a été emporté. Et pour commencer, la palme de la synthèse revient au journal italien La Stampa :

« Jacques Chirac a annoncé le licenciement de son premier ministre Jean-Pierre Raffarin en faisant semblant de ne pas comprendre que c’est lui que les Français avaient licencié. »

Le renversement de tous les obstacles

Pour Chirac et tous les siens en Europe, ce vote était de la plus haute importance : obtenir la caution des peuples de 25 pays d’Europe par un vote solennel, donner force de loi au contenu réactionnaire de ce projet.L’enjeu était de tenter une restauration au sens premier, de la « légitimité » de la domination des classes régnantes, de leurs banques et leurs intérêts économiques. Elaboré dans le plus grand secret, paré d’un semblant de vertus démocratiques, présenté comme un compromis inégalable et pour tout dire, comme une chance historique unique à saisir, il se devait d’être adopté. Pour les travailleurs et les jeunes, il instituait désormais l’ordre de la contrainte et de la restriction légalisées par une onction démocratique, accordant aux détenteurs de capitaux davantage de liberté pour plus de profits.

En France, Chirac, ayant besoin de restaurer son crédit politique après les calamiteuses élections passées et le discrédit accumulé par son gouvernement, opta pour la ratification référendaire. Ce choix fut conforté par les déclarations de principe et les offres de service de dirigeants du PS, pressés d’élargir leur clientèle électorale sur des thèmes « porteurs » avant l’échéance de 2007. Le coup était d’autant plus jouable que le renfort du PS, vainqueur des élections régionales précédentes, offrait à Chirac, au moins sur le papier, l’assurance d’une victoire sans péril, et du même coup, une division profonde de la représentation politique des travailleurs et de la jeunesse. Toujours ça de pris pour 2007 !

Tous l’annonçaient : ce ne devait être que formalité, car avec l’appui des trois principaux appareils politiques, celui de la majorité des syndicats de salariés, le résultat semblait devoir être acquis. Outre la réquisition des moyens des administrations de l’Etat, arrivaient à la rescousse de la victoire déjà annoncée, les faiseurs d’opinion de tout poil, quasiment toute leur presse, leurs télés, tout ce que ce pays compte de beaux esprits, d’experts, universitaires ou pas, tous unis, d’Alexandre Adler à Toni Negri, par delà « les clivages gauche-droite », acharnés défenseurs de « ce grand projet qui va naturellement de soi ». Tous derrière Chirac, et lui devant ! La messe semblait être dite et la chasse aux incroyants bientôt ouverte ! Et voilà tout ce beau monde prenant en charge le futur succès de Chirac, lui-même commandant la manœuvre ! Quelle chevauchée triomphale vers le succés !

Le triomphe attendu commandait de ne lésiner sur rien. Quand, dans l’histoire de ce pays, a-t-on vu un tel matraquage, et jusqu’aux derniers instants de la campagne ? La violence à laquelle nous avons été soumis n’avait jamais jusqu’ici atteint un tel degré d’intensité. A tel point que la veille du vote, l’éditorial du Temps faisait observer à propos de ce pilonnage :

« Rarement, la violence sociale exercée par les pouvoirs et sa remise en cause par ceux qui la subissent, n'ont été aussi tangibles et aussi bien canalisées par le contrat social démocratique. »

Ce sont des observateurs bourgeois eux-mêmes qui relèvent l’intensité de cette violence. Ainsi, la bourgeoisie n’aura lésiné sur aucun moyen, dans les limites, jusqu’ici, du « contrat social démocratique ”, pour faire accepter, cautionner, légitimer le nouveau contrat de domination qu’elle entend imposer. Comment comprendre le risque pris par Hollande pour s’afficher en costume-uniforme européen aux côtés de Sarkozy, l’homme fort de la droite ?

La décision de Jean-Luc Mélenchon de mener la bataille du NON au nom de la raison socialiste, la bataille au sein du PS, la mise en minorité de Thibault au CCN de la CGT, la publication de l’appel des 200, le soutien d’Oskar Lafontaine, le récit du meeting de Rodez: autant de signes de la montée du NON dans le pays. L’intensité des discussions, l’accueil fait dans la plupart des diffusions, l’idée largement partagée de « venger le 22 avril ». Tout cela montrait que par millions, les femmes et les hommes de ce pays renouaient avec des réflexes de classe. Le résultat du vote fait ressortir le sentiment de prendre part à la constitution d’une immense force collective. En un mot, c’est la conscience de classe qui s’affermit. Il lui reste encore aujourd’hui à prendre la mesure exacte de sa puissance qui pourrait être irrésistible.

Un caractère de classe massif

Il est essentiel pour la bourgeoisie et ses soutiens, de tenter de brouiller les cartes sur la qualification politique de ce vote. Fondamentalement, il s’agit d’un vote « ouvrier » massif :ouvriers, paysans, jeunes, étudiants, chômeurs, précaires.

Il apporte un démenti sans appel à tous ceux qui, après avoir appelé à voter avec les patrons, lui dénient maintenant son caractère de classe. Ils parlent de réflexe, de populisme, de peur et d’autant de qualificatifs plus péjoratifs les uns que les autres. On se console comme on peut...mais les faits sont têtus.

Toute la journée, le défilé des votants, les files d’attente confiantes. Et le soir venu, les résultats : nets et tranchants : un couperet. Pas de place pour la nuance ! C’est le OUI qui a fait 82% à Neuilly et 68% à Versailles et que l’on sache ce ne sont pas des villes acquises ni à Jospin ni à Hollande ! Nous, nous sommes avec les 76% de Hénin-Beaumont, les 72% de Bobigny, Drancy et Stains, les 69% de Toulouse, les 59% du Lot, on n’en finirait plus d’énumérer les scores de ce type. Arrêtons-nous à St Etienne : le NON fait 53%, la ville est dirigée par la droite, le PS appelle au vote OUI également... Restent les résultats de Paris, Lyon, Strasbourg, Nantes, etc. Comment les expliquer ? Leurs scores en faveur du OUI sont strictement conformes au niveau de leurs revenus moyens par ménage (la spéculation immobilière a repoussé dans les périphéries les bas revenus). Ils sont à l’image des divisions que l’on constate sur la carte de la distribution des revenus de l’INSEE, sans oublier le facteur aggravant du chômage. BVA nous a expliqué que le point de basculement entre le OUI et le NON majoritaire, c’était autour de 1500 euros par mois. La racine de l’explication politique de ce vote est ici. Pour cette raison précisément, ce fait qui crève les yeux, n’est évoqué que de façon allusive par la presse bourgeoise. Cette simple vérité est attentatoire à la rhétorique de la conscience politique bonapartiste. Et pour ceux qui se poseraient encore la question du rapport de ce vote avec l’Europe, on peut reprendre encore une fois. Pour la grande majorité de ces quinze millions de citoyens qui ont voté NON, les grosses difficultés de la vie sont d’abord matérielles. Elles résultent de ces politiques réactionnaires qui organisent chômage, misère et insécurité sous le nom de « plans pour l’emploi ”. Les maîtres d’œuvre ? Ceux qui nous appellent à voter pour que ce système soit perennisé au niveau de l’Europe, pour qu’ils puissent nous dire après coup, à propos de la suppression des services publics comme des emplois ou droits sociaux : « On n’y peut rien, c’est l’Europe ! » ou « Il le faut bien, c’est pour la compétitivité de l’Europe ! » Si nous voulons sauver ce qui nous reste encore, empêchons-les de leur fournir de nouvelles armes! Voilà ce que s’est dit la classe face à ses exploiteurs. Le 22 avril 2002, Chirac- Bonaparte avait encore pu jouer au rassembleur. Il ne le pourra plus à partir d’aujourd’hui. Ce vote de classe massif sonne en vérité le glas de ce régime politique de domination de classe. Chirac n’est plus que le président du conseil d’administration des affaires courantes de la bourgeoisie de France. Il le sait parfaitement et il va tenter de reserrer les rangs de son camp qui s’entre-déchire. Il n’a même plus la capacité de mettre en œuvre les moyens que lui confèrent les institutions antidémocratiques. Son prochain gouvernement ressemblera à coup sûr à un camp retranché. On va très bientôt s’en apercevoir avec la restriction du droit de grève des cheminots, le rognage des services publics et son projet de « faciliter les licenciements pour créer des emplois » ! Après ce vote, qu’ils le veuillent ou non, aucune autre politique n’est possible que de tenter d’empêcher cette immense force sociale qui s’est manifestée à travers le NON, de se mettre en mouvement. C’est précisément cette perspective qui donnera, le moment venu, le signal de l’étape suivante. Et des millions de citoyens en viendront à se poser la question décisive : qui doit gouverner et pour qui ?

Champ de ruines

Dans notre camp, personne ne versera une larme sur le défunt projet réactionnaire qui devait servir à domestiquer les peuples européens. Pour l’essentiel en France, les institutions de la V° République continuent leur carrière uniquement grâce au crédit que leur accordent les dirigeants des partis qui nous représentent dans le « jeu politique » institutionnel.

Ces institutions n’ont plus aucune légitimité pour la grande majorité des citoyens. Ne serait-ce qu’en regard de ce qu’ils sont en droit d’attendre du résultat de leur travail, avec les moyens offertes par l’utilisation rationnelle des capacités créatives et productives, au nom de qui la loi peut leur imposer la régression sociale organisée ? Le « jeu institutionnel démocratique ”, c’est entre autres, le chômage, l’exclusion, la pénurie dans l’éducation et l’hôpital, la misère des prisons, tout cela au nom de la loi, de cette constitution qui dit que quelles que soient les aspirations légitimes du peuple, c’est le président qui décide. A l’opposé, nous revendiquons la démocratie authentique, celle qui offre à ces millions, les moyens de définir et d’accomplir, sous leur contrôle, la résolution des questions les plus urgentes. Aujourd’hui, trois millions de chômeurs et un million de RMI, c’est une necéssité pour le patronat, une « régulation sociale ”, pour les travailleurs ce sont tbeaucoup plus que trois millions de vies gâchées, sacrifiées pour quelques euros de plus. Là est d’abord le champ de ruines, que ceux qui réclament nos suffrages, commencent à se mettre à ce diapason-là ! Il est urgent que la véritable démocratie soit constitution

Comment enfin ne pas être désorientés quand, face à cette accumulation de difficultés pour les plus démunis, des dirigeants de gauche ont osé nous dire : « Que ce soit le OUI ou le NON qui passe, ça ne changera rien aujourd’hui pour les salariés. » ? Mais au fait, qu’en pensent les quinze millions qui ont dit NON ? Leur vote va-t-il passer à la trappe ? Au profit de qui et de quoi ? Qu’est ce qui doit alors nous déterminer dans notre intervention ? Ce vote ouvrier massif ou l’attitude de résignation que les partisans du OUI d’hier nous conseillent aujourd’hui pour attendre encore? Faudrait-il rappeler, comme l’écrit finement ce même éditorialiste helvétique, que «...la violence symbolique peut se transmuer en violence réelle ?»

La dissolution de l’assemblée Nationale ? De nouvelles élections législatives ? Chirac s’y résoudra peut-être un jour, mais seulement pour éviter que « la violence réelle » ne s’en charge. Pour être acceptable, il faudra au préalable imposer le changement de la règle du jeu institutionnel, instituer la représentation démocratique ! Que les travailleurs disposent des moyens effectifs d’étre représentés à la hauteur de leur importance dans le corps de la Nation et que surtout, la nouvelle assemblée soit maîtresse de son ordre du jour, de ses choix, et non subordonnée à un éxécutif réactionnaire et moribond. Mais alors, ce seront les mêmes combats que ceux déjà menés lors de la convocation des Etats généraux à la veille de1789 ? En attendant, l’aveuglante clarté de ce vote ouvre dés à présent, la question des institutions de la nouvelle république. Nous sommes bien dans la perspective ouverte par Jean Jaurès, et plus que jamais actuelle, celle de la République sociale balayant ce champ de ruines qu’est la V° République !