Le Brexit et la crise du capitalisme britannique

A la dernière minute, comme dans tout thriller qui se respecte, un accord sur le Brexit a été signé entre l’UE et la Grande-Bretagne. Boris Johnson a pu l’annoncer triomphalement à la télévision. Pourtant, il ne s’agit pas vraiment d’un happy end. Le chef du gouvernement britannique s’est glorifié d’avoir signé un accord commercial qui ne peut qu’appauvrir son pays.


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En dépit du bon sens, Johnson se targue de préparer la création d’une « gigantesque zone de libre-échange » – à l’instant même où le Royaume-Uni vient précisément d’en quitter une ! C’est pour cela, d’ailleurs, que la grande bourgeoisie britannique s’opposait au Brexit : il va leur faire perdre des milliards de livres de profits, notamment en faisant croître les coûts de production de l’industrie britannique – à travers de nouvelles procédures et taxes douanières. Quant aux services et au secteur financier, ils ne sont que très partiellement couverts par l’accord négocié en décembre. Pour eux, d’autres négociations sont donc à prévoir. Enfin, malgré toutes les assurances de Johnson, l’accord prévoit bien une nouvelle frontière douanière entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni, ce qui va poser de nouveaux problèmes.

Une « relation privilégiée » ?

Malgré tout, la bourgeoisie britannique considère cet accord comme un moindre mal – par rapport à la catastrophe qu’aurait constitué un Brexit sans accord. La fine fleur des « Brexiters », Michael Gove, dit espérer que, désormais, l’UE et le Royaume-Uni développeront une « relation privilégiée » ; Johnson, lui, la souhaite « heureuse et stable ». L’espoir fait vivre !

En réalité, le déclin de la Grande-Bretagne va s’accélérer. Elle sera encore plus marginalisée sur la scène mondiale, coincée entre les grands joueurs que sont l’UE, les Etats-Unis et la Chine. Joe Biden a déjà annoncé qu’il privilégierait les négociations avec l’UE – et non avec le Royaume-Uni. Ceci met fin aux espoirs (suscités par la démagogie de Trump) d’un accord facilement négocié entre Londres et Washington.

De leur côté, les dirigeants européens sont soulagés par cet accord, qui marque la fin d’un processus chaotique. Mais ils savent bien qu’il ouvre une nouvelle période de conflits entre la Grande-Bretagne et l’UE. Si les industriels britanniques ne se plient pas aux règles sur l’origine des composants qu’ils utilisent, l’UE sera autorisée à leur imposer de nouvelles taxes. Et elle ne s’en privera pas. Déjà fragilisées par la pandémie, les petites entreprises vont souffrir. Privées de liquidités ou de ressources pour survivre à la transition « post-Brexit », beaucoup vont tout simplement couler.

Quand la poussière sera retombée, il sera évident que, loin de résoudre les problèmes de l’économie britannique, le Brexit en pose de nouveaux. La combinaison de la crise mondiale, de la pandémie et de la rupture avec l’UE a déjà provoqué une récession de 11,3 % en 2020. Et ce n’est que le début.

Crise sociale

Lord Frost, le chef des négociateurs britanniques, a déclaré que cet accord ouvrait une ère de « renouveau national »… Comme le disaient des philosophes de la Grèce antique : « celui que les Dieux veulent détruire, d’abord ils le rendent fou ».

De son côté, le magnat de la publicité, Martin Sorell, affirme que la Grande-Bretagne va devoir faire « comme les Allemands : exporter jusqu’à la lie ». Il ajoute que si le pays veut défendre ses parts de marché à l’échelle internationale, il lui faudra devenir « un Singapour sous stéroïdes ».

Il s’agit là d’un avertissement sérieux pour la classe ouvrière britannique. Pour exporter massivement, il faut une forte base industrielle et des investissements massifs, deux choses dont la bourgeoisie britannique s’est privée par des décennies de désindustrialisation et de sous-investissement. Pour rendre ses marchandises compétitives, il ne lui restera pas d’autre option que de réduire drastiquement les coûts de production, à commencer par les salaires.

C’est à cela que se prépare la bourgeoisie britannique : à faire peser le coût du Brexit sur les épaules des travailleurs. Tous les discours sur « l’avenir radieux », toutes les vantardises des Conservateurs sur « l’indépendance » et la « liberté » du Royaume-Uni, vont très vite révéler leur véritable contenu : la misère et l’austérité pour des millions de personnes.

La Grande-Bretagne est un pays riche, mais ses ressources sont concentrées dans les mains d’une classe de milliardaires capitalistes. La bourgeoisie britannique est dégénérée. Comme on l’a vu pendant la pandémie, elle s’enrichit aux dépens de l’ensemble de la société. Elle fait penser à l’empereur Néron, qui jouait de la lyre en contemplant l’incendie de Rome.

Seul le renversement de cette clique de profiteurs permettra de régler les innombrables problèmes créés par le capitalisme. L’alternative ne peut pas être plus claire. Comme l’écrivait déjà Rosa Luxemburg, nous avons le choix entre le socialisme et la barbarie.

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